Croisières : les Français naviguent entre attirance et inquiétudes

Cette étude est sous embargo de reprise jusqu’au jeudi 26 juin à 6h

Avec près de 35 millions de passagers en 2024—dont 573 000 Français—et desperspectives de croissance soutenues pour les années à venir, le marché mondial de lacroisière affiche une santé florissante. Longtemps perçue comme un privilège réservé à uneclientèle aisée et vieillissante, cette forme de tourisme s’est progressivement démocratisée.En Europe, le nombre de croisiéristes a été multiplié par plus de sept depuis le milieu desannées 1990, porté par l’arrivée d’offres plus accessibles, la diversification des formats,etl’essor des voyages multigénérationnels.

Mais cette expansion spectaculaire suscite aussi de nombreuses interrogations. Alors queles paquebots continuent de grandir et que certaines escales voient affluer quotidiennementplusieursmilliers de passagers, les critiques se multiplient : tourisme de masse, pollution,dégradation des sites patrimoniaux, à l’image de Venise, qui a restreint l’accès de sescanaux aux plus gros navires.

Dans ce contexte, quelle est aujourd’hui la perceptiondes Français ?

Sont-ils séduits par cetype d’expérience, et pour quelles raisons ?

Quelle image ont-ils de ces circuits maritimes etdes navires qui les incarnent ?

La taille de ces bâtiments et leur impact sur l’environnementconstituent-ils de véritables freins à l’embarquement ?

Les résultats de l’enquête menée pour Sinay par l’institut Flashs auprès de 2 000 personnes éclairent avec précision ces dynamiques. De plus en plus attirés par les croisières, qu’ils perçoivent majoritairement de manière positive, les Français expriment dans le même tempsde réelles préoccupations quant aux effets environnementaux de ces géants des mers, et àleur influence sur les villes escales

Hausse spectaculaire de fréquentation

Si un peu plus d’un quart des personnes interrogées (26 %) ne formulent pas d’opinion tranchée à propos des croisières, celles qui en ont une image favorable (47 %, dont 12 % très positive) sont deux fois plus nombreuses que celles qui les perçoivent négativement (23 %, dont 8 % très négative).

En 2011, selon une enquête menée par GfK Omnibus Tourisme, seuls 16 % des Français déclaraient être déjà partis en croisière. Quatorze ans plus tard, ils sont désormais 27 % à avoir embarqué au moins une fois, soit une augmentation de 11 points. Parmi eux, 8 % ont renouvelé l’expérience à plusieurs reprises, ce qui témoigne d’une familiarisation croissante du public avec ce type de séjour, autrefois perçu comme élitiste. Cette démocratisation touche en particulier les jeunes générations : 38 % des 18-34 ans déclarent avoir déjà effectué une croisière, contre 24 % des 35-64 ans et seulement 20 % des plus de 65 ans.

Un concept qui séduit les plus jeunes

L’intérêt croissant pour ce mode de tourisme se reflète également dans les intentions exprimées : en 2011, toujours d’après l’enquête GfK, 46 % des Français envisageaient de réserver une croisière dans les cinq années suivantes. En 2025, cette proportion grimpe à 65 %, soit près de 20 points supplémentaires. Notre enquête confirme la forte appétence des jeunes actifs pour ce format de voyage : 72 % des 18-34 ans pourraient monter à bord d’un paquebot d’ici à cinq ans, un score supérieur à celui des 35-64 ans (67 %) et nettement plus élevé que celui des plus de 65 ans (49 %). Fait notable, cette projection d’intention ne suit pas mécaniquement les niveaux de revenus : 66 % des personnes gagnant moins de 1 300 euros par mois se disent prêtes à tenter l’expérience, contre 63 % parmi celles percevant plus de 2 500 euros.

La variété d’abord

Lorsqu’on s’intéresse aux motivations qui incitent à envisager une croisière dans les années à venir, la diversité des escales et la possibilité de visiter plusieurs destinations en un seul voyage arrivent largement en tête : 41 % des personnes concernées avancent cet argument. Le rapport qualité/prix constitue la raison principale pour 23 % des futurs croisiéristes, tandis que 20 % se laissent surtout guider par la curiosité de vivre une expérience singulière. Le confort et les services à bord, bien que régulièrement mis en avant dans la communication des compagnies, ne convainquent prioritairement que 15 % des répondants.

Freins financiers et environnementaux

Mais si l’attrait pour les croisières est bien réel, plusieurs freins demeurent. Plus de la moitié (55 %) des personnes n’ayant jamais effectué de croisière évoquent le coût comme principal facteur de dissuasion. L’obstacle financier domine, mais il n’est pas le seul. L’empreinte écologique de ces voyages constitue également une réserve importante : 36 % des personnes interrogées, et jusqu’à 48 % parmi les 18-24 ans, estiment que cet impact environnemental pourrait les détourner d’un tel séjour. D’autres éléments viennent s’ajouter à ces réticences : 33 % des sondés sont rebutés par le caractère massif de ce tourisme, avec ses grands navires et ses milliers de passagers, et 25 % redoutent un sentiment d’enfermement ou d’entassement à bord. À cela s’ajoutent des freins plus personnels : 23 % craignent le mal de mer et 21 % anticipent une possible lassitude liée à un espace confiné. Enfin, 17 % invoquent une image globalement négative parfois associée aux croisières, même si cet élément semble jouer un rôle secondaire comparé aux raisons précitées.

Culpabilité écologique ?

Depuis plusieurs années, l’impact environnemental de certains paquebots, véritables géants des mers, fait l’objet d’une attention croissante. L’interdiction, en 2021, par la ville de Venise, de l’accès aux plus gros navires de croisière – accusés de nuire à l’écosystème lagunaire et de fragiliser les fondations de la vieille ville – illustre cette prise de conscience. Une large majorité de Français (73 %) considère aujourd’hui que les croisières ne peuvent pas être qualifiées de mode de voyage écologique. Ce scepticisme ne se limite pas aux non-pratiquants : parmi les personnes ayant déjà effectué au moins une croisière, près de la moitié (49 %) ont ressenti une forme de culpabilité écologique. Si 32 % disent avoir relativisé ce sentiment, 17 % déclarent l’avoir ressenti de manière marquée.

Des géants qui impressionnent et inquiètent

Cette conscience environnementale s’exprime également face aux paquebots dont la capacité dépasse les 5 000 passagers. Près d’un quart des répondants (24 %) se disent inquiets de l’impact potentiel de ces navires sur l’environnement et les zones d’escale, tandis que 27 % vont plus loin en rejetant une forme de démesure jugée déshumanisante. À l’inverse, 22 % reconnaissent être impressionnés par l’aspect spectaculaire de ces « villes flottantes », et 12 % éprouvent de l’admiration pour l’exploit technique qu’elles représentent. Là encore, des clivages générationnels apparaissent : 32 % des moins de 35 ans se disent attirés par cette démesure, contre seulement 18 % chez les 50 ans et plus, dont 36 % expriment un rejet marqué face à cette forme de gigantisme maritime.

L’environnement avant l’économie

Cette ambivalence autour des croisières se retrouve aussi dans la perception du rôle qu’elles jouent dans les territoires d’escale. Confrontées au surtourisme engendré par ces flux massifs de passagers, les villes portuaires doivent jongler entre retombées économiques et protection de leur cadre de vie. Pour 65 % des Français, la priorité doit aller à la réduction des nuisances et à la préservation de l’environnement. Seuls 26 % estiment que l’on devrait privilégier les bénéfices liés à l’emploi et à l’activité commerciale. Une hiérarchie des priorités qui illustre clairement la montée des préoccupations écologiques dans l’opinion.

Enfin, et en dépit des efforts de communication qu’elles déploient, la confiance envers les compagnies de croisière pour améliorer leur bilan environnemental reste limitée. Seuls 41 % des Français se déclarent confiants dans leur capacité à réduire leur impact dans les années à venir, et parmi eux, seuls 8 % disent l’être « tout à fait ». À l’opposé, 51 % expriment peu ou pas de confiance. Ce scepticisme s’accroît nettement avec l’âge : seuls 34 % des plus de 50 ans croient à une amélioration de la situation, contre 49 % des moins de 35 ans. Une divergence qui semble indiquer que les jeunes, tout en étant plus familiers des croisières, sont aussi plus ouverts à l’idée d’une transition possible du secteur vers des pratiques plus durables.

Enquête réalisée par FLASHS pour Sinay du 13 au 14 mai 2025 par questionnaire autoadministré en ligne auprès d’un panel de 2000 Français et Françaises âgé(e)s de 18 ans et plus représentatif de la population française.

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